François Hollande à Paris sur l’Outre-Mer

Samedi 10 mars, Bertrand Delanoë était avec François Hollande à Paris (19e) pour parler de l’Outre mer. Ci-dessous le discours du candidat, seul le prononcé fait foi.

Chers amis des Outre-mers,

quel plaisir de vous retrouver ici à Paris, sous l’autorité morale de Jean Jaurès qui de loin nous observe en se posant la question : est-ce que nous, au début du XXIe siècle, allons être capables de faire ce rêve que lui et d’autres, tant d’autres, avaient conçu au début du XXe ? Mais nous sommes ici dans le dix-neuvième arrondissement, à Paris, et je veux saluer affectueusement Bertrand Delanoë, le maire de Paris notre capitale, mais aussi le maire d’une des plus grandes villes d’Outre-mer tant sont nombreux les Réunionnais, les Antillais, les Guyanais, les Mahorais et tant d’autres qui vivent ici à Paris et qui contribuent au rayonnement de la ville capitale, de la ville lumière, à sa diversité, à sa culture, à sa réussite.

Merci aussi à toi, Victorin Lurel, président de la région Guadeloupe, député obstiné qui lui aussi a tout conquis sur la Droite — et il a fallu du temps, en Guadeloupe — et qui depuis des années prépare le projet pour l’Outre-mer que nous allons préparer aux Français pour l’élection présidentielle. Je salue Christiane, oratrice talentueuse, femme de culture, guyanaise républicaine qui fait honneur à la Guyane et à la République. Je veux saluer aussi tous les parlementaires qui sont ici, tous les élus, et au-delà des territoires qui sont représentés, George Pau-Langevin qui a un statut très particulier : elle est députée de Paris, mais elle est aussi députée de tous les Ultramarins de l’hexagone. Quelle responsabilité, quel mandat ! Elle est la seule, elle ne doit pas non plus rester la seule ! Et je souhaite qu’après notre élection présidentielle, notre Assemblée nationale puisse enfin avoir les couleurs de la République.

Je vous remercie d’être venus nombreux, amis des Outre-mers. Vous me donnez une fois encore la preuve de votre engagement, de votre enthousiasme, de votre espérance. Vous êtes le peuple qui aspire au changement, qui ne le veut pas pour demain, qui le veut pour maintenant. Ce peuple qui est devant moi, et au-delà de vous, il a toutes les couleurs. Car la France que nous aimons, elle a toutes les couleurs. Vous êtes venus de tous les continents du monde, amis de l’Outre-mer. Vous incarnez ce que notre pays a de plus précieux, sa diversité ; et notre diversité, c’est notre identité.

La France, notre France, pour citer le poète Aimé Césaire, « est porteuse à tous les souffles du monde ». Elle s’inspire de toutes les couleurs du monde, mais aussi de toutes ses cultures. La France est fière de sa multiplicité. La France est heureuse de ses métissages. Et la France grâce à vous est présente partout dans le monde. Nous sommes sans doute un des rares pays de la planète à pouvoir être partout, sur tous les continents du monde, pour influencer, pour porter, pour donner ce que nous avons de plus beau, c’est-à-dire notre langue, notre culture, nos produits, nos fabrications, bref tout ce que nous faisons ensemble au nom de la France. La France que j’aime, que vous aimez, c’est la France qui est capable de faire vivre ensemble ses différences. Il n’y a pas plusieurs France qui se feraient conflit. Il n’y a pas la France des anciens qui auraient peur des jeunes. Il n’y a pas la France des travailleurs qui devraient se méfier des chômeurs. Il n’y a pas la France du privé qui devrait en vouloir à celle du public. Il n’y a pas la France des religions qui devraient se faire face alors que la France les respecte toutes. Non, il y a la République, la République française une, indivisible et laïque. Et la République ne craint pas la diversité, parce que la diversité c’est le mouvement. La diversité, c’est la vie. Et l’uniformité, c’est l’oubli. Diversité des parcours, diversité des origines, diversité des couleurs, mais pas diversité des races. Il n’y a pas de place dans la République pour la race.

Et c’est pourquoi je demanderai au lendemain de l’élection présidentielle au Parlement de supprimer le mot race de notre Constitution. Non pas parce que ceux qui l’auraient écrite, cette Constitution, auraient été mal inspirés, mais parce que le mot a pris un autre sens aujourd’hui. Il n’y a pas des hommes qui seraient différents entre eux. Nous ne connaissons qu’une seule race, une seule famille, la famille humaine. Notre pays s’est construit d’apports successifs de populations issues d’horizons multiples. Et l’Outre-mer en a été un des atouts. Si nous avons été capables de faire cette unité, ce rassemblement, cette construction, c’est parce que nous portons par notre histoire, par nos valeurs, une belle espérance qui se nomme l’universalité — c’est-à-dire l’universalité de la République, de ses valeurs. Nous sommes capables de nous ouvrir en nous élevant.

Vous, Ultramarins, vous êtes cette France-là. Vous êtes aussi les héritiers d’une histoire douloureuse, celle de l’esclavage, de la traite négrière. Pendant plusieurs siècles, des enfants, des femmes, des hommes ont été arrachés à leur propre terre, jetés à travers le monde sur des sols d’exil, privés de leur statut d’êtres humains. Ils se sont révoltés, ils ont donné à leur lutte une portée elle aussi universelle. Soyez fiers de ce que vous êtes, de ce que vous avez par vos pères, grands-pères, par vos générations successives, été capables d’être, c’est-à-dire des citoyens libres, fiers, membres à part entière de la République française ! C’est un long combat que celui que vous continuez après tant d’autres. Et je veux associer à ce moment historique qu’a été l’abolition de l’esclavage une grande figure que François Mitterrand en 1981, après avoir été élu président de la République, a voulu honorer, ce fut son premier geste, son premier acte au Panthéon, la belle figure de Victor Schœlcher. Parce que ce fut lui, dans le gouvernement provisoire de la République française, qui imposa sa signature au décret du 27 avril 1848 abolissant enfin l’esclavage, mettant un terme à cette tâche sur conscience de l’humanité. Parce qu’un homme, une femme, pour sa couleur de peau, pouvait être réduit à l’état de marchandise.

Aujourd’hui, la loi — et le mérite en revient à Christiane — proclame que l’esclavage est un crime contre l’Humanité, c’est-à-dire un outrage contre chacune et chacun d’entre nous, un affront fait à la dignité de chaque être humain. Mais il y a encore, au moment où je parle, des esclaves dans le monde. Oui, des enfants que l’on exploite, des femmes que l’on soumet, des hommes que l’on humilie. Eh bien c’est aussi notre combat, aujourd’hui, contre les injustices, les inégalités, les indignités que nous devons encore combattre, parce qu’elles ne sont pas acceptables. Et nous les chasserons partout.

La République ne peut pas être celle de l’oubli, et pas davantage la République de l’ingratitude. Vos grands-parents, arrières ont traversé des mers pour défendre la Patrie et se sont battus pour elle, parfois sont morts pour elle, lors des deux guerres mondiales. Je leur dis honneur et respect. Vos parents ont contribué à bâtir la France au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans les entreprises, dans les services publics, dans les hôpitaux, à La Poste, à la RATP, après avoir quitté parfois avec douleurs leurs départements. Vos parents ont connu des déchirements. Ils ont construit néanmoins leur vie ici dans l’hexagone, avec vous, avec ses bonheurs et ses peines. Ils ont permis, à travers la naissance de milliers d’enfants, de contribuer à la richesse de notre Nation. Honneur et respect à eux aussi.

Et puis comment ne pas, au-delà des hommages et de la gratitude que j’exprime, évoquer les grandes personnalités qui honorent notre République par leur culture et leur rayonnement ? Aimé Césaire et son poème toujours répété pour la dignité humaine, Edouard Glissant et son humanisme ardent, Léon Damas et son humble fierté, mais aussi de grands hommes d’Etat qui ont inscrit dans notre histoire républicaine à la fois leur exigence de républicains et leur mémoire d’Ultramarins. Félix Eboué l’émancipateur, Gaston Monnerville le républicain, mais aussi des rebelles magnifiques que j’évoque avec émotion et gratitude, Franz Fanon et Jean-Marie Tjibaou pour la Nouvelle-Calédonie.

Mais pour tant d’hommages, que de discriminations qui demeurent, que d’inégalités, que d’injustices pour tant d’Ultramarins ! La promesse républicaine est encore longue pour être à ce point attendue. La promesse, c’est d’abord l’égalité. Parlons d’abord des lois de la géographie, c’est-à-dire l’éloignement de vos collectivités d’origine, la nécessité pour vous de conserver un lien avec les départements où vous êtes nés, où vos parents ont vécu et qui forgent votre identité. Tout cela pose la question de la continuité territoriale. Or le prix des billets d’avion est un obstacle permanent au maintien de ce lien indispensable entre vous et vos familles, entre vous et vos territoires d’origine. Je m’engage donc à rechercher avec vos élus les moyens de fixer des prix plafonds pour les personnes originaires des Outre-mers, dans le respect des règles de concurrence.
Les congés bonifiés sont un droit qui a été arraché de haute lutte, mais trop souvent ce droit n’est pas appliqué, les critères d’attribution varient d’une administration à l’autre, d’une collectivité à une autre, d’un établissement hospitalier à un autre. Cela changera. Je m’engage à clarifier les critères d’attribution des congés bonifiés et à les faire appliquer partout.

Je rendrai l’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité compétente pour aider les jeunes originaires de l’Outre-mer vivant dans l’hexagone et qui auraient un projet de retour à se former, à se qualifier, à créer une entreprise, à réussir un projet de vie. Ce sera le rôle de cette agence.

L’éloignement, c’est aussi le coût des télécommunications. Comment accepter que le prix de ces communications vers les départements d’Outre-mer ou depuis les départements d’Outre-mer soit plus cher que les communications à l’intérieur de l’hexagone ? Où est l’égalité ? Nous mettrons fin rapidement à cette discrimination. Je m’engage donc devant vous à ce que les prix des communications sur les fixes comme sur les mobiles entre l’hexagone et les départements d’Outre-mer, dans les deux sens, soient alignés début 2013 sur le prix des télécommunications à l’intérieur de l’hexagone.

De même, je mettrai fin au tarif prohibitif de l’itinérance qui constitue une véritable spoliation lorsque vous vous déplacez de l’hexagone vers les départements d’Outre-mer.

Mais il est des discriminations encore plus graves pour celles et ceux qui les subissent, qui peuvent se sentir offensés, blessés même dans leur conscience de citoyens. Je veux parler des discriminations dans la recherche d’un logement, d’un emploi, ici en Ile-de-France. Vous avez le sentiment, en tant que Français, de passer après tant d’autres. Ce n’est pas tolérable ! La Délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français originaires d’Outre-mer deviendra compétente en matière de lutte contre les discriminations dans les domaines de l’emploi et du logement. Elle travaillera avec la Haute autorité de lutte contre les discriminations, avec le Défenseur des droits, et elle aura la tutelle d’un observatoire pour l’évaluation et l’analyse de la situation des Ultramarins vivant dans l’hexagone. Chaque année, un rapport sera fait sur la situation qui est réservée aux Ultramarins dans leur propre pays. Ce sera une vraie structure chargée de suivre, de corriger, de réparer même les injustices dont nos compatriotes pourraient être victimes.

L’égalité, c’est aussi la reconnaissance de vos cultures, de nos cultures, à notre bien commun. Les trois quarts des langues régionales de France viennent des Outre-mers. Le carnaval tropical de Paris a investi le cœur de la capitale. Rendez-vous compte, en 2011 il s’est tenu pour la première fois sur les Champs-Elysées. Mais que fera-t-on en 2012 ? Peut-être au mois de mai si nous y parvenons ! Je sais que vous avez les groupes musicaux les plus populaires, non seulement dans l’Outre-mer mais de France, et qui font aussi notre rayonnement vers l’étranger. Cette culture n’a pas de lieu ici, dans l’hexagone, pour s’exprimer, pour se montrer. Lionel Jospin avait annoncé en 2002 son souhait de réaliser une Cité des Outre-mers à Paris. La Droite avait repris cette initiative et avait déclaré qu’elle mènerait à bien ce projet. Dix ans après, il n’y a rien ! C’est une nouvelle illustration d’une promesse oubliée. Trois mois avant les élections, le candidat sortant annonce une agence pour la diffusion des cultures d’Outre-mer. Il est bien temps ! Et il en fera d’autres, des annonces ! Mais six semaines de promesses n’effaceront pas cinq ans d’inertie, d’immobilisme, d’indifférence.

Je relancerai donc le projet de la Cité des Outre-mers. Je le réaliserai avec vous, avec le Maire de Paris, avec les élus d’Outre-mer. Ce sera un lieu d’expression des cultures, avec une scène, avec des talents qui trouveront des lieux d’exposition, des salles de formation artistique, des boutiques où nous trouverons les produits culturels des Outre-mers, des espaces de convivialité, et même la gastronomie de l’Outre-mer, des lieux d’échanges, de réunions pour vos entrepreneurs, pour vos associations. Bref, un lieu vivant, ouvert à tous.

Mais nous avons aussi à mieux faire connaître les Outre-mers dans l’hexagone et auprès de la population de toute la République. C’est l’une des conditions de l’égalité. Dans les manuels scolaires, sur les cartes mêmes qui sont montrées aux enfants, dans les statistiques officielles, y compris du chômage, les Outre-mers sont trop souvent effacés. Je veillerai à ce que l’histoire, la mémoire des Outre-mers, y compris et surtout des épisodes douloureux — l’esclavage, la colonisation — ne soit pas occultée, parce que cette mémoire c’est un devoir, et c’est aussi un droit. A l’école seront proposés aux élèves qui le souhaiteront des cours de langues locales des Outre-mers. Et je pense notamment au créole.

A la télévision, je veillerai à ce que le cahier des charges des chaînes du service public soit respecté et que les Outre-mers y soient valorisés. Je redonnerai toute la force nécessaire à France Ô qui doit avoir une vocation ultramarine et servir de lien entre les Outre-mers, entre l’hexagone et les Outre-mers.

Victorin l’évoquait, j’ai pris trente engagements pour l’Outre-mer en matière économique, sociale, politique. En plus même des soixante propositions que j’ai présentées aux Français et qui concernent bien sûr tous les territoires de la République.

La France est affaiblie. Mais quand elle connaît le chômage, la désindustrialisation, les inégalités, les échecs, scolaires notamment, l’accès aux soins toujours plus difficile, c’est toujours de façon amplifiée en Outre-mer. C’est la raison pour laquelle ces territoires ont plus souffert encore que l’hexagone. Depuis dix ans, la situation s’est aggravée. Ce n’est pas le seul effet de la crise qui frappe partout, sur tous les continents, et donc dans l’hexagone comme en Outre-mer. C’est aussi le résultat d’une politique. Cette politique pour l’Outre-mer a eu un nom qui a été présenté par le candidat en 2007, qui fut élu et qui est aujourd’hui le candidat sortant — et qui doit rendre des comptes, qui doit présenter un bilan et pas simplement des formules. Il avait inventé à l’époque le concept de « développement endogène ». Pas facile à suivre pour la population quand elle se voit ainsi présenter une politique au nom du « développement endogène » ! Cela ne rend pas plus riche, le développement endogène, surtout quand la traduction de ce principe, c’est le désengagement. C’est en fait l’effacement de l’Etat et l’abandon de ses responsabilités. Victorin, qui a toujours des formules imagées, a dit « débrouillez-vous ! ». Mais ces territoires ne peuvent pas se débrouiller par eux-mêmes, ils ont besoin certes de la responsabilité, ils doivent eux-mêmes se prendre en charge, en mains, c’est d’ailleurs leur ambition, mais ils appellent aussi la solidarité de l’Etat et la présence de la République.

Un seul exemple, la lutte contre le chômage, fléau numéro un des Outre-mers. Le chômage a augmenté de près d’un tiers depuis cinq ans, de près de 50 % pour les moins de 25 ans. 60 % des jeunes en Outre-mer sont au chômage, ce qui crée de multiples désordres, des doutes considérables sur l’avenir. Et je le sais, combien de déchirures familiales. Est-ce un hasard — non ! — les crédits destinés à financer les emplois aidés dans les départements d’Outre-mer ont été divisés par dix entre 2002 et 2012, passant de 500 millions à 54 millions. Des dispositifs permettant de réduire le coût du travail Outre-mer ont été également remis en cause. Et même la défiscalisation, d’une certaine façon, a été en définitive érodée et réduite.

Je propose une autre démarche, le développement solidaire, un développement qui stimulera la production locale tout en maintenant les instruments de soutien et les mécanismes de solidarité. La défiscalisation des investissements sera maintenue. Elle continuera de bénéficier d’un avantage par rapport à l’hexagone et par rapport à d’autres formes de défiscalisation, avec un plafond plus élevé pour l’Outre-mer.
Mais la défiscalisation n’est pas un but en soi, et elle n’est pas suffisante. Je proposerai donc à chaque collectivité de conclure un contrat avec l’Etat pour décider des investissements à privilégier, des secteurs à stimuler, des instruments à mettre en place. L’Etat avec chaque région s’engagera sur cinq ans. Mais les régions et les départements aussi s’impliqueront. C’est là le principe de responsabilité.

Au-delà du chômage, il y a la vie chère. La vie chère, elle est partout, elle est ici dans l’hexagone. Mais la vie chère, elle est encore plus chère en Outre-mer. Les événements actuels sur l’Ile de la Réunion nous le rappellent. La forte dépendance commerciale des économies d’Outre-mer est un facteur aggravant. C’est un échec depuis plusieurs années que la lutte contre l’inflation dans nos territoires d’Outre-mer. En 2009 la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe ont connu un mouvement social d’ampleur. Le pouvoir, en toute hâte, a organisé des états généraux. Il a même institué un comité interministériel de l’Outre-mer, adopté 137 mesures, nommé — je ne sais pas ce qu’ils sont devenus d’ailleurs, il faudrait les rechercher — des commissaires au développement endogène. Les malheureux ! Rien que de porter ce nom les a fait disparaître ! Que de grands mots, que d’intitulés ronflants et que de résultats misérables. 25 % à peine des mesures qui avaient été évoquées dans ce comité interministériel ont été exécutées. Et les situations de rente, de monopole, de position dominante demeurent. Il n’est pas tolérable que le prix des produits les plus courants puisse être deux fois plus élevé dans les supermarchés de Guadeloupe, de Mayotte, de La Réunion que dans ceux de l’Ile-de-France. Et pourquoi donc ?

Il y a l’éloignement, mais il ne justifie pas de tels écarts. Il y a les transports, sûrement, mais il y a aussi l’organisation d’une distribution au bénéfice de quelques-uns sur ces territoires. Eh bien, je favoriserai autant qu’il sera possible la concurrence, y compris en ayant recours à des mesures contraignantes pour éviter les monopoles, les ententes, les cartels, les positions dominantes. Je soutiendrai les observatoires de prix. Je reviendrai sur le mécanisme de fixation des carburants qui fait que malgré des taxes beaucoup plus faibles que dans l’hexagone, les prix des carburants sont au même niveau qu’ici. Et quand je sais ce qu’est le prix des carburants ici, ce que ça pèse sur le budget des ménages, imaginons ce que ça peut procurer comme contrainte supplémentaire en Outre-mer quand il n’y a pas de transports publics et pas d’autres manières pour aller travailler ou pour aller faire les actes de la consommation courante que d’utiliser sa voiture !

Je favoriserai l’accès au marché des produits locaux. Je ferai usage des possibilités de dérogation aux règles européennes pour favoriser, faciliter l’importation de produits moins chers en provenance de l’environnement régional des départements et des territoires d’Outre-mer.

C’est la justice qui m’inspire. C’est la justice qui résume le projet que je présente aux Français, et c’est la justice qui doit être le sens des engagements que je prends à l’égard de l’Outre-mer. Justice pour accéder à l’école, parce que c’est en Outre-mer — mais c’est aussi dans beaucoup de quartiers de nos villes — que l’accès à la réussite scolaire est plus difficile pour les jeunes qui sont issus des familles les plus modestes. Il y a 150 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification, sans formation. Et combien encore en Outre-mer ? L’université doit être reconnue pleinement sur les territoires d’Outre-mer. Et ce doit être une priorité, pour que les étudiants étudient là où ils ont été jusqu’au lycée. Dans les lycées de nos Outre-mers, il y a aura aussi des classes préparatoires aux grandes écoles qui permettront à des jeunes de pouvoir accéder, aussi, à l’excellence et à la réussite.

La justice, c’est aussi pouvoir se loger décemment en Outre-mer et ici dans l’hexagone. Mais en Outre-mer depuis dix ans, la ligne budgétaire unique qui devait financer le logement social s’est effondrée. La défiscalisation n’a pas encore pris le relai. Eh bien, nous rétablirons les crédits pour le logement social. Et ici à Paris, puisque nous y sommes, je l’ai dit et cela vaudra pour toute la France, l’Etat au lendemain de l’élection présidentielle mettra gratuitement ses terrains à la disposition des collectivités qui s’engageront à créer des logements et des logements sociaux. Nous ne perdrons pas de temps. Dès le lendemain de l’élection, ces terrains seront immédiatement offerts aux collectivités locales qui s’engageront.

La justice, c’est aussi d’avoir droit à la sécurité. Hors depuis dix ans, la délinquance et la violence explosent en Outre-mer. Je suis allé en Guyane où la situation est grave, en Guadeloupe, un des départements les plus violents, hélas, de France. Et je pourrais en dire autant de Martinique, de la Réunion. Là encore, ce sont les plus faibles qui sont les plus exposés. Là encore, l’Etat s’est retiré. La Police de proximité a été une nouvelle fois affaiblie, ce qui a permis de faire des économies là où elles n’étaient pas souhaitées. Les tribunaux sont dans une situation dramatique en Outre-mer. Et que dire de l’administration pénitentiaire ? Avez-vous vu ces images d’une prison en Polynésie, indigne de la République française ? Nous redonnerons les moyens à la Police pour qu’elle intervienne au plus près des citoyens, à la Justice pour qu’elle puisse convenablement remplir sa mission, et à l’administration pénitentiaire pour que les détenus puissent vivre décemment.

Bien sûr, au-delà de la justice, il y a tout simplement la capacité de décider en Outre-mer pour les collectivités locales qui procèdent du suffrage universel. Les Outre-mers ont leur singularité. Elles n’ont pas forcément à être sous le même statut. Il y a des collectivités qui relèvent de l’article 73 avec la Guyane, la Martinique, d’autres de l’article 74, d’autres encore qui attendent d’avoir la clarification espérée de l’Etat — je pense à la Guadeloupe et à La Réunion. Eh bien moi, je vais vous donner mes principes. Ce sont les élus qui nous diront ce qu’ils souhaitent pour faire évoluer leurs institutions. Et à chaque fois, les populations seront concernées, et donc consultées. Je leur fais confiance. C’est le principe de la République.

A Mayotte, c’est la départementalisation qu’il faudra traduire dans la réalité, et plus rapidement qu’aujourd’hui. Car je suis inquiet pour ce territoire. Je mesure les retards qui y ont été pris. Je vois aussi les difficultés d’être dans cet archipel avec les Comores à côté, la pression démographique qui se fait. Nous ne pourrons pas tolérer les violences, et en même temps nous devrons trouver les solutions, l’harmonie, les compromis.

A Wallis et Futuna, si les élus des autorités traditionnelles souhaitent procéder à la modernisation de leur statut qui date de 1961, nous les accompagnerons.

En Polynésie, si l’Assemblée territoriale nous fait des propositions d’évolution, nous les étudierons. Et les Polynésiens seront bien sûr, là encore, consultés. Rien ne sera imposé, même si le cadre, c’est la République.

En Nouvelle-Calédonie, c’est l’accord de Nouméa. Qu’on m’entende bien, je le ferai respecter à la lettre afin qu’émerge dans les meilleures conditions la solution choisie par les Calédoniens.

Je veux enfin intégrer les Outre-mers dans leur environnement régional. C’est une chance d’avoir des départements d’Outre-mer sur tous les continents. Et notre diplomatie serait bien inspirée d’utiliser la présence de nos Outre-mers pour dialoguer avec l’Afrique, avec l’Amérique latine, avec la zone Pacifique. Nous avons besoin des Outre-mers et nous leur confierons, à leurs élus, la capacité de représenter l’Etat. Parce que c’est une chance que d’avoir autant de façades atlantiques, pacifiques, grâce à l’Outre-mer. Nous sommes la deuxième puissance maritime mondiale juste après les Etats-Unis. Nous sommes présents sur les six continents, les cinq océans, et nous ne pourrions pas dire que c’est un atout formidable ? La Guyane est devenue une puissance spatiale, peut-être demain énergétique — nous verrons bien. Mais alors, montrons-lui davantage de solidarité, mobilisons-nous pour que les programmes qui sont développés, Ariane Vega, puissent également être sources d’emploi pour la population guyanaise !

En Polynésie, nous devons nous rappeler que nous avons procédé à des essais nucléaires et qu’il y a là un droit à réparation et à solidarité. François Mitterrand disait, visitant la Guyane en 1984 — mais cela valait bien au-delà de la Guyane : « on ne lance pas de fusée sur fond de bidonville ». Oui, voilà l’enjeu. Les Outre-mers, c’est un motif de fierté pour la France. Mais à nous d’accepter que règne l’ordre de la justice, de l’égalité, de la solidarité. Voilà le moment que je voulais partager avec vous. Voilà ce que je voulais dire à vous, Ultramarins de l’Ile-de-France, et au-delà de vous à tous les Ultramarins.

Je connais bien l’Outre-mer. J’ai visité tous nos territoires. J’y ai des amis partout — et ceux qui ne sont pas amis sont ceux qui ne me connaissent pas encore ! J’irai prochainement sur l’Île de la Réunion et à Mayotte. Je considère que c’est une chance, finalement, d’être un archipel. La France est un grand archipel. Elle a l’hexagone, et elle a tous ces territoires, partout dans le monde. Ce sont des morceaux de France. C’est la France ! Il y a de l’admiration, de la tendresse, de la reconnaissance à avoir pour tous nos territoires. C’est pourquoi le ministère des Outre-mers sera directement rattaché au Premier ministre et ne dépendra plus du ministre de l’Intérieur. Je ne parle pas simplement de celui d’aujourd’hui, il ne sera plus là ! Je parle du prochain ! Comme si c’étaient des questions de sécurité ou de gestion des collectivités locales qui étaient en jeu ! Mais non, c’est la France, et donc ce sera auprès du Premier ministre. Et tous les ministres auront une dimension ultramarine dans leurs compétences et leur activité.

La France est faite d’unité et de diversité. C’est une histoire, la France, mêlée de tous les apports des populations qui ont fait la France, de tous nos mélanges, de toutes nos couleurs. C’est la conscience d’avoir accompli de grandes choses ensemble qui nous permet aujourd’hui de porter de grands espoirs ensemble. La campagne est maintenant bien lancée. Nous avons fait notre grand rassemblement aujourd’hui, un autre s’annonce demain. Ne craignez rien. Ne vous laissez impressionner par rien, par le déferlement, par le dénombrement c’est-à-dire l’affluence qui viendra. Elle sera peut-être nombreuse, je leur souhaite, cela leur redonnera un peu plus de moral ! Mais respectons la campagne. Mettons-nous à la hauteur nécessaire. Ne redoutez rien sauf les polémiques, les outrances, les surenchères. Soyez dignes de ce qu’attend le peuple français. Il veut choisir, choisir librement son prochain président et donc son orientation, sa vision et le destin du pays. Nous ne devons à aucun moment nous laisser aller à je ne sais quelles polémiques, provocations qui ne seraient pas dignes. Nous avons à faire des propositions, à créer un enthousiasme, un engagement, une envie de changer. Elle existe, c’est celle que je porte.

Il nous reste quelques semaines de campagne, cinq semaines avant le premier tour. Premier tour si décisif ! Je m’adresse là plus particulièrement à l’Outre-mer. Je veux que l’Outre-mer participe massivement au scrutin, que les électeurs ne se détournent pas parce que la promesse républicaine n’aurait pas été tenue ou parce que la détresse serait trop forte. S’ils veulent le changement, ils doivent venir voter comme des citoyens libres et responsables pour le changement. J’appelle à la participation la plus élevée possible. De la même manière, je mets en garde par rapport à la tentation de la colère, du vote extrême. Ce serait quand même un comble que des territoires, des départements, des populations qui ont eu à vivre la blessure du racisme, l’infamie de la discrimination, puissent se réfugier vers une candidature qui, en définitive, introduirait l’injustice, l’inégalité et la suspicion ! Nous devons faire en sorte que nul suffrage venant de l’Outre-mer n’aille vers une candidature d’extrême droite. C’est votre responsabilité, et c’est aussi la mienne.

Mais il y a la Gauche, qui doit être à la hauteur de la France. La Gauche qui à chaque fois, à chaque étape de son histoire, a fait avancer la France dans toute sa diversité, et notamment l’Outre-mer. C’est toujours avec la Gauche que l’Outre-mer a eu davantage de responsabilités, d’autonomie et d’égalité. Ce fut avec Lionel Jospin, mais aussi avec François Mitterrand que nous avons fait avancer l’égalité, la parité sociale entre l’hexagone et l’Outre-mer. Souvenons-nous en.

Alors, je porte aujourd’hui, selon la belle expression d’Aimé Césaire, « l’espérance lucide ». Nous devons être lucides parce que ce sera difficile, parce que rien ne nous sera donné, parce que rien ne nous sera transmis sans que nous soyons à la hauteur de la République et de la France. Et en même temps, nous sommes l’espérance. Nous devons donner à tous les Français qui nous regardent, de l’hexagone ou de l’Outre-mer, la fierté d’être au rendez-vous de l’histoire. C’est nous, une nouvelle fois, qui devons donner l’exemple, redresser le pays, donner de la justice, de l’exemplarité, être capables de lever quelque chose qui nous dépasse tous et qui donne, à un moment, le sens de ce que nous voulons faire ensemble. Et je l’ai dit, ce sera pour la jeunesse de France que nous nous battrons, pour cette élection présidentielle. Pour toutes les jeunesses ! Et je pense à la jeunesse de l’Outre-mer.

Alors, faites ensemble le choix du changement ! Soyez capables de faire une nouvelle fois vibrer la République, la solidarité, l’égalité, et cette conscience que nous sommes dans un grand pays qui s’appelle la France et qui est capable de se rassembler, de se réunir à un moment de son histoire. Il est arrivé, ce moment-là. Faites en sorte que ce soit dès le 22 avril — même si pour certains, si j’ai bien compris, ce sera le 21. Rappelez-vous, le 21 avril, dix ans après. Dix ans ! Rien ne doit être oublié. Rien ne doit être pardonné. Le 21 et le 22 avril, ce doit être un premier tour qui nous permette d’être le plus haut possible pour le second tour. Et ensuite, le 6 mai, je veux vous donner cette joie immense, ce bonheur, cette fierté. Je vous dois cette victoire que vous attendez depuis si longtemps, cette victoire que vous allez faire avec moi pour le 6 mai prochain, une victoire pour la République, une victoire pour la France.

Voilà, mes chers amis, le message que j’étais venu vous dire ici, à Paris, à l’Outre-mer !

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